Claude-Marie Vadrot, journaliste à Politis et chargé de cours à Paris 8, souhaite diffuser largement le message suivant

 

 

Je suis inquiet, très, très inquiet…

Vendredi dernier, à titre de solidarité avec mes collègues enseignants de l'Université de Paris 8 engagés, en tant que titulaires et chercheurs de l'Education Nationale, dans une opposition difficile à Valérie Pécresse, j'ai décidé de tenir mon cours sur la biodiversité et l'origine de la protection des espèces et des espaces, que je donne habituellement dans les locaux du département de Géographie (où j'enseigne depuis 20 ans), dans l'espace du Jardin des Plantes (Muséum National d'Histoire Naturelle), là où fut inventée la protection de la nature. Une façon, avec ce «cours hors les murs», de faire découvrir ces lieux aux étudiants et d'être  solidaire avec la grogne actuelle mais sans les pénaliser avant leurs partiels.
 

Mardi, arrivé à 14 h 30, avant les étudiants, j'ai eu la surprise de me voir interpeller dès l'entrée franchie par le chef du service de sécurité ? Tout en constatant que les deux portes du 36 rue Geoffroy Saint Hilaire étaient gardées par des vigiles.
- «Monsieur Vadrot ?».
-  euh oui

- Je suis chargé de vous signifier que l'accès du Jardin des Plantes vous est interdit.

- Pourquoi ??
 

- Je  n’ai pas à vous donner d'explication.

- Pouvez-vous me  remettre un papier me signifiant cette interdiction ??

- Non, les  manifestations sont interdites dans le Muséum
 

- Il ne s'agit pas  d'une manifestation, mais d'un cours en plein air, sans la moindre  pancarte

- C'est non.

Les étudiants, qui se baladent  déjà dans le jardin, reviennent vers l'entrée, le lieu du rendez vous. Le cours se fait donc, pendant une heure et demie, dans la rue, devant  l'entrée du Muséum. Un cours qui porte sur l'histoire du Muséum,  l'histoire de la protection de la nature, sur Buffon. A la fin du cours, je demande à nouveau à entrer pour effectuer une visite commentée du jardin. Nouveau refus, seuls les étudiants peuvent entrer, pas leur  enseignant. Ils entrent et, je décide de tenter ma chance par une autre  grille, rue de Buffon, où je retrouve des membres du service de sécurité  qui, possédant manifestement mon signalement, comme les premiers,  m'interdisent à nouveau l’entrée.

Evidemment, je finis pas me  fâcher et exige, sous peine de bousculer les vigiles, la présence du Directeur de la surveillance du Jardin des Plantes. Comme le scandale menace il finit par arriver. D'abord parfaitement méprisant, il finit  pas me réciter mon CV et le contenu de mon blog.

Cela commence à  ressembler à un procès politique, avec descriptions de mes opinions,  faits et gestes. D'autres enseignants du département de Géographie, dont  le Directeur Olivier Archambeau, président du Club des Explorateurs,  Alain Bué et Christian Weiss, insistent et menacent d'un  scandale.

Le directeur de la Surveillance, qui me dit agir au nom  du Directeur du Muséum (où je pensais être
honorablement connu),  commençant sans doute à discerner le ridicule de sa situation, finit par nous faire une proposition incroyable, du genre de celle que j'ai pu entendre autrefois, comme journaliste, en Union soviétique :

-  Ecoutez, si vous me promettez de ne pas parler de politique à vos  étudiants et aux autres professeurs, je vous laisse entrer et rejoindre  les étudiants.

 

Je promets et évidemment ne tiendrais pas cette promesse, tant le propos est absurde.
J'entre donc avec  l'horrible certitude que, d'ordre du directeur et probablement du  ministère de l'Education Nationale, je viens de faire l'objet d'une  «interdiction politique». Pour la première fois de mon existence, en France.
Je n’ai réalisé que plus tard, après la fin de  la visite se terminant au labyrinthe du Jardin des Plantes, à quel point  cet incident était « extraordinaire » et révélateur d’un glissement  angoissant de notre société.

Rétrospectivement, j'ai eu peur, très  peur